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19/06/2019 | FRANCE | N°17-25822

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 juin 2019, 17-25822


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Rappel des faits et de la procédure

1. Selon l'arrêt attaqué, le litige oppose le syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (le syndicat), reconnu, le 18 juillet 2007, par l'Institut national des appellations d'origine (l'INAO), comme organisme de défense pour la protection du « Morbier », à la société Fromagère du Livradois, établie dans le Puy-de-Dôme, fabriquant et commercialisant des fromages.

2. Le « Morbier » est un fromage qui bénéficie d'une appellation d'origine

contrôlée (AOC) depuis un décret du 22 décembre 2000, lequel a défini une zone géo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Rappel des faits et de la procédure

1. Selon l'arrêt attaqué, le litige oppose le syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (le syndicat), reconnu, le 18 juillet 2007, par l'Institut national des appellations d'origine (l'INAO), comme organisme de défense pour la protection du « Morbier », à la société Fromagère du Livradois, établie dans le Puy-de-Dôme, fabriquant et commercialisant des fromages.

2. Le « Morbier » est un fromage qui bénéficie d'une appellation d'origine contrôlée (AOC) depuis un décret du 22 décembre 2000, lequel a défini une zone géographique de référence, ainsi que les conditions nécessaires pour prétendre à cette appellation d'origine, et a prévu, en son article 8, une période transitoire pour les entreprises situées hors de cette zone géographique qui produisaient et commercialisaient des fromages sous le nom « Morbier » de façon continue, afin de leur permettre de continuer à utiliser ce nom sans la mention « AOC », jusqu'à l'expiration d'un délai de cinq ans suivant la publication de l'enregistrement de l'appellation d'origine « Morbier » à titre d'appellation d'origine protégée (AOP) par la Commission des Communautés européennes, conformément à l'article 5 du règlement (CEE) n° 2081/92 du 14 juillet 1992 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires.

3. L'article 1er du décret du 22 décembre 2000 décrit le Morbier comme « un fromage au lait de vache, à pâte pressée non cuite, de la forme d'un cylindre plat de 30 à 40 centimètres de diamètre, d'une hauteur de 5 à 8 centimètres, d'un poids de 5 à 8 kilogrammes, qui présente des faces planes et un talon légèrement convexe. Son croûtage naturel, lisse et homogène, est de couleur gris clair à beige orangé. Sa pâte est de couleur ivoire à jaune pâle avec éventuellement une ouverture discrète. Elle est souple, onctueuse et fondante, de texture fine, à léger goût de crème. Son parfum est franc, fruité et persistant. Ce fromage présente une raie noire centrale horizontale, bien soudée et continue sur toute la tranche.
Ce fromage contient au minimum 45 grammes de matière grasse pour 100 grammes de fromage après complète dessication. L'humidité dans le fromage dégraissé (HFD) ne doit pas excéder 67 %. ».

4. En application du règlement (CE) n° 1241/2002 de la Commission du 10 juillet 2002, la dénomination « Morbier » a été inscrite au registre des AOP.

5. Le décret du 22 décembre 2000 relatif à l'appellation d'origine contrôlée « Morbier » a été abrogé par le décret n° 2011-441 du 20 avril 2011.

6. Le cahier des charges, reprenant la définition de l'article 1er du décret du 22 décembre 2000, présenté, conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil, à l'appui de la demande d'AOP en vue de son inscription qui fut arrêtée par le règlement précité du 10 juillet 2002, a été légèrement modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 1128/2013 de la Commission du 7 novembre 2013, entré en vigueur le 3 décembre suivant, applicable aux faits à compter de cette date : « Le « Morbier » est un fromage au lait cru de vache, à pâte pressée non cuite, de la forme d'un cylindre plat de 30 à 40 centimètres de diamètre, d'une hauteur de 5 à 8 centimètres, d'un poids de 5 à 8 kg, qui présente des faces planes et un talon légèrement convexe.
Ce fromage présente une raie noire centrale horizontale, soudée et continue sur toute la tranche.
Son croûtage est naturel, frotté, d'un aspect régulier, morgé, laissant apparaître la trame du moule. Il est de couleur beige à orangé avec des nuances brun orangé, rouge orangé et rose orangé. Sa pâte est homogène de couleur ivoire à jaune pâle avec fréquemment quelques ouvertures dispersées de la taille d'une groseille ou de petites bulles aplaties. Elle est souple au toucher, onctueuse et fondante et peu collante en bouche et sa texture est lisse et fine. Le goût est franc avec des nuances lactiques, de caramel, de vanille, de fruits. En vieillissant la palette aromatique s'enrichit de nuances torréfiées, épicées et végétales. Les saveurs sont équilibrées. Ce fromage contient au minimum 45 grammes de matière grasse pour 100 grammes après complète dessiccation. L'humidité dans le fromage dégraissé (HFD) doit être comprise entre 58 % et 67 %. L'affinage du fromage est effectué pendant une durée minimale de 45 jours à compter du jour de fabrication, sans interruption du cycle. ».

7. Conformément à l'article 8 du décret du 22 décembre 2000, la société Fromagère du Livradois, qui fabriquait du morbier depuis 1979, a été autorisée à utiliser la dénomination « Morbier », sans la mention AOC, jusqu'au 11 juillet 2007, date à partir de laquelle elle lui a substitué la dénomination « Montboissié du Haut Livradois ».

8. La société Fromagère du Livradois a en outre déposé, le 5 octobre 2001, aux Etats-Unis, la marque américaine « Morbier du Haut Livradois », qu'elle a renouvelée en 2008 pour dix années et, le 5 novembre 2004, la marque française « Montboissier » pour les produits de la classe 29.

9. Reprochant à la société Fromagère du Livradois de porter atteinte à l'appellation protégée et de commettre des actes de concurrence déloyale et parasitaire en fabriquant et commercialisant un fromage reprenant l'apparence visuelle du produit protégé par l'AOP « Morbier » afin de créer la confusion avec celui-ci et de profiter de la notoriété de l'image qui lui est associée, sans avoir à se plier au cahier des charges de l'appellation d'origine, le syndicat l'a assignée, le 22 août 2013, devant le tribunal de grande instance de Paris afin qu'elle soit condamnée à cesser toute utilisation commerciale directe ou indirecte de la dénomination de l'AOP « Morbier » pour des produits qu'elle ne couvre pas, toute usurpation, imitation, ou évocation de l'AOP « Morbier », toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la nature ou les qualités essentielles du produit par quelque moyen que ce soit qui serait de nature à créer une impression erronée sur l'origine du produit, toute autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit, et spécialement toute utilisation d'une raie noire séparant deux parties du fromage, et à indemniser son préjudice.

10. Par un jugement du 14 avril 2016, ce tribunal a rejeté l'intégralité des demandes du syndicat.

11. La cour d'appel de Paris, par l'arrêt attaqué, a confirmé le jugement.

12. Elle a exclu toute faute de la société Fromagère du Livradois au titre du dépôt, de l'utilisation, du renouvellement et du maintien de la marque américaine figurative « Morbier du Haut Livradois » contenant le mot « Morbier », ainsi qu'au titre de l'utilisation du nom « Morbier » sur ses fromages. Elle a également écarté la faute de la société Fromagère du Livradois au titre du dépôt de la marque française « Montboissier » et de son utilisation.

13. Elle a de même considéré que n'était pas fautive la commercialisation d'un fromage qui présente une ou plusieurs caractéristiques figurant dans le cahier des charges du Morbier et s'apparente donc à celui-ci. Après avoir énoncé que la réglementation sur l'AOP ne vise pas à protéger l'apparence d'un produit ou ses caractéristiques décrites dans son cahier des charges, mais sa dénomination, de sorte qu'elle n'interdit pas de fabriquer un produit selon les mêmes techniques que celles définies dans les normes applicables à l'indication géographique et rappelé qu'en l'absence de droit privatif, la reprise de l'apparence d'un produit n'est pas fautive mais relève de la liberté du commerce et de l'industrie, la cour d'appel a jugé que les caractéristiques invoquées par le syndicat, notamment le trait bleu horizontal, relèvent d'une tradition historique, d'une technique ancestrale présente dans d'autres fromages, qui ont été mises en oeuvre par la société Fromagère du Livradois avant même l'obtention de l'AOP et qui ne reposent pas sur des investissements que le syndicat ou ses membres auraient réalisés. Elle a estimé que si le droit d'utiliser le charbon végétal est conféré au seul fromage d'AOP « Morbier », la société Fromagère du Livradois a dû, pour se conformer à la législation américaine, le remplacer par du polyphénol de raisin de sorte que les deux fromages ne sauraient être assimilés par cette caractéristique. Relevant que la société Fromagère du Livradois a fait valoir d'autres différences entre le fromage de Montboissié et le Morbier tenant, notamment, à l'utilisation de lait pasteurisé pour le premier et de lait cru pour le second, elle a conclu que les deux fromages sont distincts et que le syndicat tente d'étendre la protection de l'appellation « Morbier » dans un intérêt commercial illégitime et contraire au principe de libre concurrence.

14. Le syndicat, qui s'est pourvu en cassation contre cet arrêt, lui fait grief de rejeter l'intégralité de ses demandes.

15. Il soutient, d'abord, qu'une appellation d'origine est protégée contre toute pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit et qu'en jugeant, cependant, que seule l'utilisation de la dénomination de l'appellation d'origine protégée est interdite, la cour d'appel a violé l'article 13 du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires et l'article 13 du règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires. Il soutient, ensuite, qu'en se bornant à relever, d'une part, que les caractéristiques invoquées par le syndicat relevaient d'une tradition historique et ne reposaient pas sur des investissements réalisés par le syndicat et ses membres, d'autre part, que le fromage « Montboissié » commercialisé depuis 2007 par la société Fromagère du Livradois présentait des différences avec le « Morbier », sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les pratiques de la société Fromagère du Livradois (copie de la « raie cendrée » caractéristique du Morbier et des autres propriétés du fromage, en particulier) n'étaient pas susceptibles d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes.

Rappel des textes applicables ou invoqués

16. L'Union européenne a institué une protection des appellations d'origine protégées (AOP) et des indications géographiques protégées (IGP) des produits agricoles et des denrées alimentaires, par le règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992, remplacé par le règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006, puis par le règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires.

17. L'article 13, paragraphe 1, de chacun de ces trois règlements énumère à l'identique les types d'actes interdits : « (...) les dénominations enregistrées sont protégées contre toute :
a) utilisation commerciale directe ou indirecte d'une dénomination enregistrée pour des produits non couverts par l'enregistrement, dans la mesure où ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou dans la mesure où cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée ;
b) usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d'une expression telle que "genre", "type", "méthode", "façon", "imitation", ou d'une expression similaire ;
c) autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la nature ou les qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l'utilisation pour le conditionnement d'un récipient de nature à créer une impression erronée sur l'origine ;
d) autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. ».

18. En droit interne, l'article L. 722-1 du code de la propriété intellectuelle, issu de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, applicable en la cause, dispose que « Toute atteinte portée à une indication géographique engage la responsabilité civile de son auteur.
Pour l'application du présent chapitre, on entend par "indication géographique" :
a) (...) ;
b) Les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées prévues par la réglementation communautaire relative à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires ;
(...). ».

19. Le pourvoi pose la question de savoir si les articles 13, paragraphe 1, respectifs du règlement n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 et du règlement n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 doivent être interprétés en ce sens qu'ils interdisent uniquement l'utilisation par un tiers de la dénomination enregistrée ou s'ils doivent être interprétés en ce sens qu'ils interdisent également toute présentation du produit susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à sa véritable origine, même si la dénomination enregistrée n'a pas été utilisée par le tiers.

20. Cette question est inédite devant la Cour de cassation.

Motifs justifiant le renvoi préjudiciel

21. Le syndicat fait valoir qu'il s'évince du texte de l'article 13, paragraphe 1, de chacun de ces règlements qu'une AOP n'est pas protégée uniquement contre l'utilisation du mot enregistré lui-même, mais aussi contre "toute autre pratique" que l'utilisation ou l'évocation du nom protégé, dès lors que cette pratique est susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. Les juges du fond doivent rechercher si les pratiques imputables à un acteur économique sont susceptibles d'induire en erreur le consommateur, erreur qui peut résulter de la copie de la présentation caractéristique du produit, sans qu'il soit requis, pour qu'il y ait contrefaçon, qu'il y ait reprise de la dénomination du produit. Pour prétendre que le droit interne va dans le même sens, le syndicat invoque encore l'article L. 722-1 du code de la propriété intellectuelle, en se référant toutefois à sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, postérieure au litige.

22. Il soutient qu'en l'espèce, en énonçant que seule l'utilisation du nom Morbier pouvait constituer une atteinte à l'AOP « Morbier », la cour d'appel a adopté une analyse contraire au texte des articles 13 des règlements précités et n'a pas répondu à la question de savoir si la présentation du fromage « Montboissié » était de nature à induire en erreur le consommateur, en le laissant croire qu'il est en présence d'un fromage de « Morbier ». Il ajoute qu'elle s'est bornée à constater que les caractéristiques invoquées par le syndicat relevaient d'une tradition historique, qu'elles étaient mises en oeuvre dès 1979 par la société Fromagère du Livradois et ne reposaient pas sur des investissements réalisés par le syndicat, alors que ces éléments sont sans incidence dès lors que toute pratique visant à induire en erreur le consommateur en lui faisant confondre le fromage de « Montboissié » avec un fromage « Morbier » était interdite à compter de 2007. Il reproche enfin à la cour d'appel de s'être arrêtée aux différences mises en exergue par la société Fromagère du Livradois, laquelle soutenait que le public auquel son fromage était destiné était celui des cantines et des hôpitaux, sans rechercher concrètement si les pratiques de cette société n'étaient pas susceptibles d'induire en erreur le consommateur quant à la véritable origine du produit.

23. De son côté, la société Fromagère du Livradois soutient que l'AOP protège les produits issus d'un terroir délimité, qui peuvent seuls se prévaloir de la dénomination protégée. Elle n'interdit pas à d'autres producteurs de produire et de commercialiser des produits similaires, dès lors qu'ils ne laissent pas croire qu'ils bénéficieraient de l'appellation en cause. Elle invoque l'article L. 643-1, alinéa 2, du code rural et de la pêche maritime qui, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-1547 du 7 décembre 2006, dispose que « le nom qui constitue l'appellation d'origine [...] ne peut être employé pour aucun produit similaire ». Elle déduit de ce texte qu'il prohibe tout usage du signe constituant l'appellation d'origine pour désigner des produits similaires n'y ayant pas droit, soit qu'ils ne proviennent pas de la zone délimitée, soit qu'ils en proviennent sans présenter les propriétés requises, mais qu'il n'interdit pas de commercialiser des produits similaires, pour autant que cette commercialisation ne soit accompagnée d'aucune pratique de nature à entraîner une confusion, notamment par l'usurpation ou l'évocation de l'appellation protégée. Elle fait encore valoir qu'une « pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit » ainsi qu'il est énoncé au d) de l'article 13 des règlements doit nécessairement porter sur « l'origine » du produit ; il doit donc s'agir d'une pratique amenant le consommateur à penser qu'il est en présence d'un produit bénéficiant de l'AOP en cause. Elle considère que cette « pratique » ne peut résulter de la seule apparence du produit en tant que tel, en dehors de toute mention sur son emballage faisant référence à la provenance protégée. Elle invoque les observations du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, celles de l'INAO et enfin une décision du Conseil d'Etat du 5 novembre 2003 statuant sur le recours formé contre le décret du 22 décembre 2000, qui s'accordent à dire que seule l'utilisation de l'appellation « Morbier » est interdite aux fromages fabriqués en dehors de la zone d'appellation.

24. Elle fait valoir qu'en rappelant, en l'espèce, que rien n'interdisait de fabriquer un produit selon les mêmes techniques que celles définies dans les normes applicables à l'indication géographique, la cour d'appel a considéré à bon droit que seule l'utilisation d'un signe susceptible de constituer une usurpation de l'AOP était interdite et que la société Fromagère du Livradois, en continuant à produire et à commercialiser les fromages qu'elle fabriquait, ne s'était pas rendue coupable de « pratiques » prohibées, peu important que ces fromages comportent une « raie cendrée » caractéristique du Morbier, ou qu'ils aient les mêmes « propriétés ».

25. Par un arrêt du 5 novembre 2003, n° 230438, le Conseil d'Etat, saisi par le syndicat de défense et de promotion des fabricants et affineurs du Morbier d'un recours en annulation pour excès de pouvoir du décret du 22 décembre 2000 relatif à l'appellation d'origine contrôlée « Morbier », a jugé que les règles tant nationales que communautaires qui régissent la protection des appellations d'origine ont pour objectif de valoriser la qualité des produits bénéficiant d'une dénomination enregistrée, notamment en imposant que la production, la transformation et l'élaboration de ces produits soient réalisées dans l'aire délimitée ; que ces règles ne font pas obstacle à la libre circulation d'autres produits ne bénéficiant pas de cette protection.

26. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ne semble pas avoir rendu de décision sur la question posée en l'espèce.

27. En revanche, dans ses « Directives relatives à l'examen sur les marques de l'Union européenne » au point « 3.4 Autres indications et pratiques susceptibles d'induire en erreur », l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (l'EUIPO) indique, au visa de l'article 13, paragraphe 1, points c) et d) du règlement (UE) n° 1151/2012, que bien que cela dépende très largement des particularités caractérisant le cas d'espèce, qui doit dès lors être apprécié individuellement, une marque de l'Union européenne peut être considérée comme susceptible d'induire en erreur lorsque par exemple, elle comporte des éléments figuratifs qui sont généralement associés à la zone géographique en cause, tels que des monuments historiques notoirement connus, ou lorsqu'elle reproduit une forme particulière du produit. L'Office précise que les dispositions doivent être interprétées de façon restrictive et qu'elles « se réfèrent uniquement aux marques de l'Union européenne qui représentent (...) une forme singulière du produit décrite dans le cahier des charges de l'AOP/IGP ».

28. Par ailleurs, les dénominations constituées de termes géographiques ne sont pas les seuls signes à pouvoir prétendre à la protection prévue par le règlement (UE) n° 1151/2012 du 21 novembre 2012. Certains signes, verbaux comme non verbaux, sont également protégés en ce qu'ils sont les corollaires de ces indications géographiques.

29. Il est ainsi admis que des mentions traditionnelles non géographiques, relatives aux vins et spiritueux, telles que « méthode traditionnelle », « réserve », « clos », « village » ou « château » sont réservées à certaines appellations. La CJUE a admis la validité de la réservation de la mention « méthode champenoise » aux vins bénéficiant de l'appellation d'origine « Champagne » (CJUE, 13 décembre 1994, C-306/93, Winzersekt ; rec. CJCE, 1994, I, p. 5555).

30. Il est également admis que certaines formes caractéristiques de l'origine géographique d'un produit puissent être réservées aux produits porteurs de l'appellation d'origine protégée. Ainsi, l'article 56, et l'annexe VII auquel il renvoie, du règlement délégué (UE) n° 2019/33 de la Commission du 17 octobre 2018 complétant le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les demandes de protection des appellations d'origine, des indications géographiques et des mentions traditionnelles dans le secteur vitivinicole, la procédure d'opposition, les restrictions d'utilisation, les modifications du cahier des charges, l'annulation de la protection, l'étiquetage et la présentation, réserve à des vins issus de raisins récoltés sur le territoire français bénéficiant des appellations d'origine protégées « Alsace » ou « vin d'Alsace », « Alsace Grand Cru », « Crépy », « Château-Grillet », « Côtes de Provence » rouge et rosé, « Cassis », « Jurançon », « Jurançon sec », « Béarn », « Béarn-Bellocq » rosé, et « Tavel » rosé, les bouteilles de type « flûte d'Alsace ». Le règlement prévoit qu'un type spécifique de bouteille peut être réservé à des vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée à la condition que ce type ait été « utilisé exclusivement, véritablement et traditionnellement pendant les vingt-cinq dernières années pour un produit de la vigne bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée particulière » et que « son utilisation évoque pour les consommateurs un produit de la vigne bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée particulière ». Le règlement expose que « l'utilisation de bouteilles présentant une forme particulière pour certains produits de la vigne bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée est une pratique bien établie dans l'Union et peut évoquer, dans l'esprit des consommateurs, certaines caractéristiques ou la provenance de ces produits de la vigne », ce qui justifie de réserver ces formes de bouteilles aux vins concernés.

31. S'agissant des produits fromagers, un décret du 19 janvier 2001 relatif à l'AOC « Beaufort », aujourd'hui abrogé, étendait la protection de l'appellation d'origine au talon concave caractéristique du fromage de Beaufort.

32. De manière générale, les décrets de reconnaissance d'appellations d'origine pour des fromages contiennent des prescriptions sur leurs formes caractéristiques. Ainsi, l'article 1er du décret du 22 décembre 2000 relatif à l'AOC « Morbier », abrogé, décrivait, à l'alinéa 2, l'aspect extérieur de ce fromage et, à l'alinéa 3, sa composition interne. Une description légèrement modifiée de l'apparence de ce fromage figure désormais dans le cahier des charges de l'appellation d'origine « Morbier » dans sa version consolidée issue du règlement d'exécution (UE) n° 1128/2013 de la Commission du 7 novembre 2013.

33. Il existe donc un doute sur l'interprétation de l'expression « autre pratique » dans les articles 13, paragraphe 1, respectifs du règlement n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 et du règlement n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012, constituant une forme particulière d'atteinte à une appellation protégée si elle est susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit.

34. Se pose ainsi la question de savoir si la reprise des caractéristiques physiques d'un produit protégé par une AOP peut constituer une pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit prohibée par l'article 13, paragraphe 1, des règlements précités.

35. Cette question revient à déterminer si la présentation d'un produit protégé par une appellation d'origine, en particulier la reproduction de la forme ou de l'apparence le caractérisant, est susceptible de constituer une atteinte à cette appellation, nonobstant l'absence de reprise de la dénomination.

36. Il y a lieu, dès lors, d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne.

PAR CES MOTIFS :

Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Renvoie à la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de répondre à la question suivante :

Les articles 13, paragraphe 1, respectifs du règlement n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 et du règlement n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils interdisent uniquement l'utilisation par un tiers de la dénomination enregistrée ou doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils interdisent la présentation d'un produit protégé par une appellation d'origine, en particulier la reproduction de la forme ou de l'apparence le caractérisant, susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit, même si la dénomination enregistrée n'est pas utilisée ?

Sursoit à statuer jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne ;

Réserve les dépens ;

Dit qu'une expédition du présent arrêt ainsi qu'un dossier, comprenant notamment le texte de la décision attaquée, seront transmis par le directeur de greffe de la Cour de cassation au greffier de la Cour de justice de l'Union européenne ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour le syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté le syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier de l'intégralité de ses demandes et d'AVOIR condamné ce syndicat sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le dépôt la marque américaine Morbier du Haut Livradois par la société Fromagère du Livradois, le Syndicat invoque la protection de l'AOP Morbier dans des pays ou à destination de pays hors de l'Union européenne et fait valoir que la société Fromagère du Livradois a utilisé sa marque américaine Morbier pour contourner l'interdiction résultant de la reconnaissance de l'AOC puis de l'AOP ; que la société Fromagère du Livradois réplique qu'elle n'a commis aucune faute en déposant la marque Morbier du Haut Livradois aux Etats Unis car à la date du dépôt le 5 octobre 2001 elle était légitime à y procéder pour protéger son produit ; que le Syndicat invoque la Convention d'Union de Paris du 10 mai 1883 et l'article 22 de l'Accord ADPIC du 15 avril 1994 sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce international, l'article 22 de cet accord définissant les indications géographiques qui servent à identifier un produit comme originaire d'un pays, d'une région ou d'une localité, permettent de poursuivre « dans les cas où une qualité, réputation ou caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique » ; que la société Fromagère du Livradois oppose à l'invocation de l'accord ADPIC que le paragraphe 5 de son article 24 dispose au profit du titulaire d'une marque « déposée ou enregistrée de bonne foi » avant que l'indication géographique soit protégée, que les mesures adoptées pour mettre en oeuvre la section « Indications géographiques » dont fait partie cet article « ne préjugeront pas [
] le droit de faire usage d'une marque de fabrique ou de commerce, au motif que cette marque est identique ou similaire à une indication géographique » ; que s'il n'est pas contestable que, lorsque la société Fromagère du Livradois a procédé au dépôt de la marque Morbier en octobre 2001, elle n'ignorait pas que, par décret du 22 décembre 2000, le morbier avait bénéficié d'une appellation d'origine contrôlée (AOC) définissant la zone géographique de référence (article 2) et les conditions nécessaires pour prétendre à l'appellation d'origine, toutefois, à la date du dépôt de sa marque aux Etats Unis, d'une part, des recours avaient alors été engagés à l'encontre de ce décret, d'autre part, il avait été prévu pour les entreprises comme la société Fromagère du Livradois, qui fabriquaient et commercialisaient le « Morbier », une période de transition de cinq ans suivant la publication de l'enregistrement de l'appellation d'origine « Morbier » à titre d'AOP par la commission des communautés européennes, ce qui leur permettait de continuer à utiliser cette appellation pendant une période relativement longue ; qu'en conséquence, il ne saurait être reproché à la société Fromagère du Livradois d'avoir agi de mauvaise foi puisqu'elle n'a fait qu'user de ce qui était encore son droit au moment du dépôt et de l'avoir utilisé pour les besoins de son exploitation y ayant été autorisée au moins jusqu'en 2007 ; que la société Fromagère du Livradois ne conteste toutefois pas avoir bénéficié des droits attachés au dépôt de sa marque jusqu'en 2013 pour l'avoir renouvelée en 2008 pour dix ans ; que dès lors, quand bien même elle a fait procéder à sa radiation en 2013, elle a bénéficié des droits attachés au dépôt de la marque de 2007 à 2013 alors qu'elle ne pouvait plus y prétendre ; que pour autant, ce seul renouvellement ne saurait être assimilé au dépôt qui fait naître des droits et il ne saurait être fautif que s'il s'accompagne d'actes entraînant une confusion avec l'AOPC ce que la société Fromagère du Livradois conteste puisqu'elle affirme avoir cessé toute exploitation de la marque Morbier à compter de 2007 ; qu'il appartient au syndicat de faire la démonstration des actes permettant une incrimination ; sur la prescription, que la société Fromagère du Livradois demande à la cour de constater la prescription des demandes du syndicat visant à faire constater que le dépôt de la marque aux Etats Unis et son maintien serait fautifs dès lors que ce dépôt a été enregistré en 2001 ; que le syndicat ne demande pas à la cour de prononcer l'annulation du dépôt de la marque et conséquemment de son maintien ce qui ne serait pas de sa compétence, mais de déclarer fautif et le dépôt de la marque et son maintien en ce qu'il en résulte selon lui une imitation du fromage AOP Morbier qui se s'est poursuivie jusqu'en 2013 ; que dès lors qu'il s'agit de sanctionner des agissements fautifs il n'y a pas lieu de se placer à la date du dépôt de la marque américaine Morbier mais à celle de l'assignation soit le 22 août 2013 ; que le délai de prescription étant de 5 ans, les faits postérieurs au 22 août 2008 ne sont pas prescrits ; qu'en conséquence il y a lieu de débouter la société Fromagère du Livradois de sa demande tendant à voir constater l'irrecevabilité du Syndicat sur le fondement de la prescription pour les faits postérieurs au 22 août 2008 ; sur les agissements allégués, que le Syndicat prétend qu'est fautif pour un opérateur français le fait de déposer hors des Etats membres de l'Union européenne une marque contrefaisant une AOP ; que pour autant, comme il a été vu, le dépôt de la marque aux Etats Unis ne constitue pas un dépôt contrefaisant une marque puisque la société Fromagère du Livradois était alors fondée à préserver ses droits sur la commercialisation d'un fromage sous cette marque ; que le seul maintien de la marque ne saurait caractériser un acte fautif à défaut d'une preuve de son utilisation, preuve que le Syndicat prétend rapporter ; sur la preuve des agissements fautifs allégués, que le Syndicat prétend rapporter la preuve du maintien jusqu'au 30 août 2013 de la marque américaine « Morbier du Haut Livradois », exposant que toute personne dans le monde qui fait une recherche sur Google à partir du mot Morbier est invitée à consulter des sites vantant la marque et le fromage commercialisé sous ce signe et que la société Fromagère du Livradois utilise ou transpose cette marque figurative pour deux fromages présentés comme morbier, l'un étant son « Morbier du Haut Livradois », l'autre son « Montboissié du Haut Livradois » ; que la société Fromagère du Livradois fait valoir que les documents produits par le syndicat ne sont pas probants car certains ne sont pas datés et, s'ils le sont, ils se rapportent à la période transitoire ; qu'il ne peut être contesté que la datation des éléments de preuve est indispensable en l'espèce puisque la société Fromagère du Livradois était fondée à utiliser l'appellation Morbier jusqu'au 11 juillet 2007 et où des tiers commercialisant son fromage ont pu mettre en ligne avant cette date des informations avec l'appellation Morbier ; que le Syndicat a produit un constat dressé le 17 septembre 2015, affirmant qu'il en résulte la démonstration que la société Fromagère du Livradois continue à usurper l'AOP Morbier, créant une confusion entre ses produits et ceux protégés par l'AOP et à se mettre dans son sillage ; que si le procès-verbal relève que des annonces font état de ce que Morbier n'est qu'une partie du nom entier « Morbier du Haut Livradois » ou accès à « Morbier au lait cru du Haut Livradois » ou accès à « Morbier au lait cru du Haut Livradois, fameux par sa ligne cendrée » ou fromage « Morbier du Livradois » ou que le Montboissé est « une version pasteurisée du Morbier », aucune des pages ne correspond au site la société Fromagère du Livradois mais figurent sur des sites tiers, la société Fromagère du Livradois affirmant que ces pages ont été mises en ligne avant le 11 juillet 2007 et qu'elles n'ont pas fait l'objet de mises à jour ; qu'elle fait ainsi observer que la dénomination sociale de la société Salaipro, qui apparaît, été modifiée en 2006 pour devenir « fromagers en Bourgogne » ce qui démontre que les informations sur ce site sont antérieures à cette date ; qu'elle ajoute que ne sont pas reproduites les pages de résultats par le mot clé morbier qui auraient permis de constater que celui-ci ne comportait que des fromages AOP morbier ; qu'en conséquence l'analyse des copies d'écran par la société Fromagère du Livradois est suffisante pour renseigner la cour sans qu'il y ait lieu d'ordonner une mesure d'instruction comme demandée par le Syndicat ; que celui-ci produit également à l'appui de ses affirmations des images de fromages sauf à observer qu'elles ne sont pas datées ; que la société Fromagère du Livradois fournit une attestation de son distributeur exclusif à l'étranger qui indique « Depuis 2007 nous commercialisons sur ces différentes destinations un fromage fabriqué par la société Fromagère du Livradois : tome au lait de vache à pâte pressée non cuite, ronde, disponible sous format 4 et 6 kg et avec un process de lait pasteurisé ou de lait thermisé et une raie de cendre au milieu appelé Montboissié » ; que le commissaire aux comptes de la société Fromagère du Livradois atteste de « l'absence de ventes effectuées sous la désignation Morbier depuis 2007 et sur tout l'exercice 2007/2008 » ; que force est de constater que la complexité de la situation juridique a pu créer une certaine confusion auprès de quelques opérateurs, le Syndicat n'ayant pas cru en dépit de la mission qui est la sienne leur adresser la moindre mise en demeure ; qu'enfin, si la société Fromagère du Livradois a pendant la période transitoire choisi d'adopter le terme Montboissié tout en gardant les termes du Haut Livradois et la typographie gothique de sa présentation, il y a lieu de relever que, le terme local Haut Livradois correspond à sa raison sociale et au lieu où sont produits ses fromages et la typographie est celle sous laquelle elle commercialisait déjà différents produits, de sorte que ces éléments font partie de l'identité sous laquelle elle était connue de sa clientèle ; qu'il n'est pas démontré que pendant la période transitoire elle a exploité de façon simultanée et associée les termes Morbier et Montboissié afin de créer une confusion ; que le Syndicat soutient que ses pièces 2 à 5, 12 à 16 et 21 à 23 sont récentes sans pour autant en préciser la date, ni justifier de cette affirmation ; que, s'il indique que le site internet de la société Fromagère du Livradois n'était pas tel que le montre une capture d'écran réalisée en 2012 et que le fromage « Monboissié » était dans la rubrique « fromage d'appellation d'origine contrôlée », il n'en rapporte pas la preuve ; qu'il invoque un étiquetage sur un fromage vendu à la fin de l'année 2013 dans l'Intermarché de Montignac sous l'appellation « Morbier lait pasteurisé » ; que toutefois, la société Fromagère du Livradois expose qu'elle n'a pas fourni ce magasin et produit une attestation de son directeur faisant état d'une erreur d'étiquetage par son personnel ; que dans ses conclusions d'appel le syndicat se prévaut d'une autre étiquette, au demeurant peu lisible, sans préciser son origine de sorte qu'elle ne sera pas retenue comme élément de preuve ; que le Syndicat produit enfin des menus de cantines des [...] ; que force est de constater que ceux-ci n'ont pas été établis par la société Fromagère du Livradois alors que les catalogues et les fiches produits versés aux débats ne présentent ses fromages que sous la dénomination Montboissié ; que dès lors le syndicat ne rapporte aucun élément de preuve démontrant que la société Fromagère du Livradois aurait fait une présentation trompeuse alors que ses emballages indiquent clairement « Montboissié du Haut Livradois » et que sa raison sociale comporte le toponyme de Livradois et précise que le fromage est fabriqué en Auvergne ; qu'enfin, elle indique sur ses factures et bons de livraison : « important : le Montboissié ne peut être vendu et facturé que sous la dénomination Montboissié » ; sur l'atteinte alléguée à la marque Morbier par le dépôt de la marque Montboissié et l'usage du signe « Montboissié Haut Livradois », que le Syndicat prétend que la marque Montboissié enregistré à l'INPI par la société Fromagère du Livradois pour les produits de la classe 29 porte atteinte à l'AOP Morbier ; que la société Fromagère du Livradois fait valoir que le Syndicat est irrecevable à former la moindre demande à l'encontre du dépôt de la marque intervenu le 5 novembre 2004 ; que la publication de la demande d'enregistrement de cette marque est intervenue le 10 décembre 2004 ; qu'or la demande de retrait de la marque Montboissier a été formée par le syndicat dans ses conclusions du 22 août 2013 soit 8 ans après son dépôt et 7 ans après son enregistrement ; que l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « Seul le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l'article L.711-4 ; toutefois son action n'est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s'il en a été toléré l'usage pendant cinq ans » ; qu'il ne saurait être contesté que le Syndicat regroupe des entreprises titulaires de l'AOP et qu'il a vocation à défendre leurs droits et à agir pour voir interdire l'utilisation d'une marque portant atteinte à la marque AOP de ses adhérents ; qu'il y a lieu de rechercher s'il y a atteinte à la marque Morbier en comparant tout d'abord les signes en présence ; que les signes en cause, Montboissié et Montboissié Haut Livradois sont visuellement différents du signe Morbier, dans leur longueur ; qu'ils sont présentés sous une forme semi figurative utilisant une typographie de style gothique avec des ornements et forme géométriques organisés afin de former un blason ; que phonétiquement ils différent par le nombre de syllabes ; que conceptuellement Montboissié est le nom d'un village, situé à quelques kilomètres du siège social de la société Fromagère du Livradois et où son dirigeant a des attaches familiales ; que la construction grammaticale de ce nom composé de Mont et boissié rappelle le Moyen-Age ; qu'il n'existe en conséquence aucune ressemblance entre les deux noms de sorte qu'aucune confusion ne peut en résulter pour le consommateur ; que le Syndicat reproche à la société Fromagère du Livradois d'avoir commercialisé un fromage qui, même s'il n'utilise pas l'appellation Morbier, s'apparente à celui-ci ; que la réglementation sur les AOP ne vise pas à protéger l'apparence d'un produit ou ses caractéristiques décrites dans son cahier des charges mais sa dénomination de sorte qu'elle n'interdit pas la fabrication d'un produit selon les mêmes techniques que celles définies dans les normes applicables à l'indication géographique ; qu'en l'absence de droit privatif, la reprise de l'apparence d'un produit n'est pas fautive mais relève de la liberté du commerce et de la libre concurrence ; que force est de constater que les caractéristiques invoquées par le Syndicat relèvent d'une tradition historique et avaient été mises en oeuvre par la société Fromagère du Livradois en 1979 avant même l'obtention de l'AOP et ne reposent pas sur des investissements que le syndicat ou ses membres auraient été réalisés ; qu'ainsi, le trait bleu horizontal est une technique ancestrale qui se retrouvent dans d'autres fromages ; que si le Syndicat prétend enfin que le Règlement UE 1129/2011 du 11 novembre 2011 sur les additifs a conféré aux seuls fromages d'AOP Morbier le droit d'utiliser du charbon végétal, celui-ci n'est entré en vigueur que 1er juin 2013 et que la société Fromagère du Livradois expose que depuis plusieurs années et afin de se conformer à la législation américaine, elle a remplacé le charbon végétal par du polyphénol de raisin de sorte que les deux fromages se sauraient être assimilés par cette caractéristique ; que la société Fromagère du Livradois fait valoir qu'il existe d'autres différences entre le Montboissié et le Morbier, notamment en ce que le premier utilise du lait pasteurisé et le second du lait cru, caractéristique essentielle puisque le public auquel est destiné le Montboissié est notamment celui des cantines et des hôpitaux ; qu'en ce qui concerne le site allemand Halbfester Scchnittkäse aus Frankreich mentionnant un fromage sous le nom « Montboissié (T. Morbier) », le Syndicat ne démontre pas qu'il est le fait de la société Fromagère du Livradois ; qu'en conséquence, il apparaît que les deux types de fromage sont distincts et que le Syndicat tente d'étendre la protection dont bénéficie la dénomination Morbier dans un intérêt commercial illégitime et contraire au principe de la libre concurrence,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la dénomination Morbier a été inscrite en tant qu'AOP de fromage au registre européen des appellations d'origine protégées (AOP) et des indications géographiques protégées (IGP) par le règlement CE n° 1241/2002 du 10 juillet 2002 ; que l'AOC Morbier avait été reconnue par décret du 22 décembre 2000 ; que le syndicat a été reconnu en tant qu'organisme de défense et de gestion (ODG) pour l'appellation Morbier par décision du 18 juillet 2007 par l'INAO et est donc recevable à agir pour la défense de cette appellation ; que l'article 13 du règlement (UE) 1151/2012 du 21 novembre 2012 dispose : « 1. Les dénominations enregistrées sont protégées contre : a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte d'une dénomination enregistrée à l'égard des produits non couverts par l'enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu'ingrédients ; b) toute utilisation commerciale directe ou indirecte d'une dénomination enregistrée à l'égard des produits non couverts par l'enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu'ingrédients ; c) toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la nature ou les qualités essentielles du produit qui figure sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l'utilisation pour le conditionnement d'un récipient de nature à créer une impression erronée sur l'origine du produit ; d) toute autre pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit [
] 3. Les États membres prennent les mesures administratives ou judiciaires appropriées pour prévenir ou arrêter l'utilisation illégale visée au paragraphe 1 d'appellations d'origine protégées ou d'indications géographiques protégées qui sont produites ou commercialisées sur leur territoire » ; que l'article L. 643-1 du code rural et de la pêche maritime dispose : « Le nom qui constitue l'appellation d'origine ou toute autre mention l'évoquant ne peuvent être employés pour aucun produit similaire, sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires en vigueur le 6 juillet 1990. Ils ne peuvent être employés pour aucun établissement et aucun autre produit ou service, lorsque cette utilisation est susceptible de détourner ou d'affaiblir la notoriété de l'appellation » ; que l'article L. 722-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable en 2013, au jour de l'assignation stipule : « « Toute atteinte portée à une indication géographique engage la responsabilité civile de son auteur. Pour l'application du présent chapitre, on entend par "indication géographique" : a) Les appellations d'origine définies à l'article L. 115-1 du code de la consommation ; b) Les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées prévues par la réglementation communautaire relative à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires [
] » ; que le syndicat produit à l'appui des reproches qu'il formule à l'encontre de la société Fromagère du Livradois des captures d'écran (pièces n° 2, 3, 4, 5, 12, 13, 14, 15, 16 et 33) qui ne permettent aucune certitude quant à l'origine de ces impressions d'écrans ni quant à leur date, étant rappelé que la société Fromagère du Livradois était en droit d'utiliser l'appellation « Morbier » jusqu'au 11 juillet 2007 ; qu'en outre, il est avéré que certaines de ces captures d'écran proviennent de sites sans rapport avec la société Fromagère du Livradois (pièces n° 3, 4, 5, 13, 14, 15 et 16) ; que par ailleurs, le syndicat produit des « images » de fromages non datées (pièces n° 10, 11 et 28) qui n'apportent pas non plus la preuve des faits allégués ; qu'il produit également des menus de cantines qui n'émanent pas non plus de la société Fromagère du Livradois mais pour l'un de communes de Torcy et Noisy le Grand et pour l'autre d'un centre de loisir de Mehun sur Yèvre (pièces n° 21 et 22) ; que de même, les étiquettes d'Intermarché et de Carrefour (pièces n°31 et 35) n'émanent pas non plus de la société Fromagère du Livradois ; que l'article du journal La Montagne produit (pièce n° 23) ne fait aucune référence au Morbier ; que le syndicat, sans doute conscient de l'insuffisance des pièces ci-dessus décrites a fait réaliser un constat d'huissier le 17 septembre 2015, soit plus de deux ans après son acte introductif d'instance ; qu'il s'agit de captures d'écran effectuées cette fois par huissier de justice ; que cependant, le tribunal constate à la lecture attentive de ce procès-verbal de constat qu'il n'apporte pas la preuve de l'utilisation du terme « Morbier » associé à la société défenderesse ; que le syndicat soutient en outre que le dépôt et le maintien d'une marque américaine « Morbier du Haut Livradois » porterait atteinte à l'appellation Morbier ; que la marque américaine querellée a été enregistrée par la société Fromagère du Livradois le 5 octobre 2001 sous le numéro 76321251 ; qu'il s'agit d'une marque semi-figurative se présentant comme suit [
] ; que le dépôt de cette marque en 2001 n'était pas fautif ; que la société Fromagère du Livradois indique que si elle n'a pas expressément fait radier cette marque américaine à compter du 11 juillet 2007, elle n'en a plus fait usage à compter de cette date ; que le syndicat n'apporte aucun élément permettant de contrecarrer cette allégation de non utilisation de la marque postérieurement au 11 juillet 2007 ou même au 22 août 2008, soit cinq ans avant l'assignation introductive d'instance ; que par ailleurs, il est avéré que depuis le 30 août 2013, soit antérieurement à l'acte introductif d'instance, la marque américaine n'était plus enregistrée, la société Fromagère du Livradois ayant expressément indiqué à son mandataire américain son souhait de ne pas renouveler l'enregistrement ; que le syndicat échoue dès lors à faire la preuve qui lui incombe d'un comportement fautif de la société Fromagère du Livradois ; qu'il sera débouté de toutes ses demandes,

1- ALORS QUE le décret du 22 décembre 2000 relatif à l'appellation d'origine contrôlée « Morbier » n'avait reconnu aux entreprises non situées dans l'aire de l'appellation que le droit de « continuer à utiliser ce nom dans les conditions actuelles » ; que la cour d'appel a relevé que la société Fromagère du Livradois avait déposé aux Etats-Unis en octobre 2001 puis utilisé, postérieurement à ce décret, une nouvelle marque comportant le nom « Morbier » ; qu'il s'en évinçait que, loin de continuer à utiliser le nom Morbier « dans les conditions actuelles », la société Fromagère du Livradois avait entrepris de développer son utilisation du nom « Morbier » à compter de 2001, de sorte qu'en jugeant pourtant que cette société n'avait commis aucune faute en déposant la marque en 2001 et en l'exploitant par la suite, la cour d'appel a violé l'article 8 du décret du 22 décembre 2000 relatif à l'appellation d'origine contrôlée « Morbier », alors applicable.

2- ALORS QU'une appellation d'origine est protégée contre toute évocation par un signe concurrent, peu important que ce signe concurrent soit ou non exploité ; qu'en jugeant que le renouvellement de la marque « Morbier du Haut Livradois » en 2008 n'était pas fautif, pas plus que le maintien de cette marque jusqu'à sa radiation en 2013, dès lors que la société Fromagère du Livradois soutenait qu'elle n'avait plus exploité cette marque à compter de 2007, la cour d'appel a violé l'article 13 du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 et l'article 13 du règlement (UE) n° 1152/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 21 novembre 2012.

3- ALORS QU'une appellation d'origine est protégée contre toute évocation illicite que le défendeur pouvait empêcher ; que la cour d'appel s'est bornée à relever, par motifs propres et adoptés, qu'il n'était pas démontré que l'utilisation fautive du nom « Morbier » après le 11 juillet 2007 soit imputable à la société Fromagère du Livradois, le syndicat n'ayant de son côté pas adressé la moindre mise en demeure auprès des opérateurs tiers ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la société Fromagère du Livradois n'avait pas omis de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l'utilisation du nom « Morbier » par les tiers avec lesquels elle était en relations d'affaires, la seule indication portée sur ses factures selon laquelle son fromage devait être vendu sous l'appellation « Montboissié » étant à cet égard insuffisante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 et de l'article 13 du règlement (UE) n° 1152/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 21 novembre 2012.

4- ALORS QU'une appellation d'origine est protégée contre toute pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit ; qu'en jugeant pourtant que seule l'utilisation de la dénomination de l'appellation d'origine protégée est interdite, la cour d'appel a violé l'article 13 du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 et de l'article 13 du règlement (UE) n° 1152/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 21 novembre 2012.

5- ALORS QU'une appellation d'origine est protégée contre toute pratique susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit ; qu'en se bornant dès lors à relever, d'une part, que les caractéristiques invoquées par le syndicat relevaient d'une tradition historique et ne reposaient pas sur des investissement réalisés par le syndicat et ses membres, d'autre part, que le fromage « Montboissié » commercialisé depuis 2007 par la société Fromagère du Livradois présentait des différences avec le « Morbier », sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les pratiques de la société Fromagère du Livradois (copie de la « raie cendrée » caractéristique du Morbier et des autres propriétés du fromage, en particulier) n'étaient pas susceptibles d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 du règlement n° 510/2006 du 20 mars 2006 et de l'article 13 du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 et de l'article 13 du règlement (UE) n° 1152/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 21 novembre 2012.

6- ALORS QUE constitue un acte de concurrence déloyale le fait de commercialiser un produit qui crée un risque de confusion dans l'esprit du public avec un produit concurrent ; que le risque de confusion s'apprécie pour un consommateur d'attention moyenne qui ne dispose pas en même temps des produits litigieux sous les yeux, au regard de l'impression d'ensemble laissée par les produits litigieux, sans s'arrêter à leurs seules différences ; qu'en se bornant dès lors à relever, d'une part, que les caractéristiques invoquées par le syndicat relevaient d'une tradition historique et ne reposaient pas sur des investissement réalisés par le syndicat et ses membres, d'autre part, que le fromage « Montboissié » commercialisé depuis 2007 par la société Fromagère du Livradois présentait des différences avec le « Morbier », sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les ressemblances existantes (copie de la « raie cendrée » caractéristique du Morbier et des autres propriétés du fromage, en particulier) n'étaient pas de nature à créer un risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne n'ayant pas simultanément sous les yeux les différents produits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil.

7- ALORS QU'en se bornant à relever, d'une part, que les caractéristiques invoquées par le syndicat relevaient d'une tradition historique et ne reposaient pas sur des investissements réalisés par le syndicat et ses membres, d'autre part, que le fromage « Montboissié » commercialisé depuis 2007 par la société Fromagère du Livradois présentait des différences avec le « Morbier », sans rechercher, comme cela lui était demandé, si indépendamment même d'un risque de confusion, ce fromage n'était pas de nature à évoquer, dans l'esprit du public concerné, le « Morbier » et, eu égard à sa moindre qualité, à porter atteinte à la réputation de cette appellation en l'affaiblissant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil.

8- ALORS QU'en se bornant à relever que la société Fromagère du Livradois affirmait ne plus utiliser depuis plusieurs années le charbon végétal E153, réservé depuis le 1er juin 2013 aux seuls fromages de l'AOP Morbier, sans mieux caractériser la véracité de cette allégation qui était contestée par le syndicat, lequel produisait (cf. prod. 4) des pièces faisant état de l'utilisation de charbon végétal E153 par la société Fromagère du Livradois jusqu'en 2015, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné le syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier à payer à la société Fromagère du Livradois la somme de 10 000 € pour procédure abusive,

AUX MOTIFS QUE la société Fromagère du Livradois soutient que l'action du syndicat est abusive et qu'elle tend à son éradication au bénéfice des membres du syndicat ; qu'elle ajoute que celui-ci a procédé de manière non contradictoire à des mesures intrusives qui lui ont permis d'accéder à des informations stratégiques, au surplus, en présence d'un mandataire du syndicat ; que le syndicat a attendu le deuxième semestre 2013 pour engager une action à l'encontre de la société Fromagère du Livradois alors qu'elle commercialisait le Montboissié depuis 2007 ; qu'il a engagé cette action en dépit de trois constats démontrant l'inanité de ses griefs ; qu'il apparaît qu'il a agi avec une légèreté blâmable dans l'intention de nuire ; qu'en conséquence il sera alloué la somme de 10 000 € à la société Fromagère du Livradois,

1- ALORS QUE ne peut pas être condamné pour procédure abusive le justiciable dont la demande devait être accueillie par les juges ; que le précédent moyen a démontré que les demandes du syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier avaient été rejetées à tort ; que dès lors, la cassation à intervenir sur le fondement du premier justifie la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, par application de l'article 624 du code de procédure civile.

2- ALORS QUE pour condamner le syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive, la cour d'appel s'est bornée à constater que le syndicat avait tardé à agir et qu'il avait agi malgré la teneur de trois constats prouvant l'inanité de ses griefs ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser l'existence d'un abus, par l'exposant, de son droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil.

3- ALORS QUE le juge d'appel ne peut se fonder que sur des pièces produites devant lui ; qu'en se fondant, pour condamner le syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive, sur la teneur des trois constats annulés par le premier juge et qui n'avaient pas été produits en cause d'appel, la cour d'appel a violé les articles 16 et 132 du code de procédure civile.


Sens de l'arrêt : Renvoi devant la cour de justice de l'u.e
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 juin 2017


Publications
Proposition de citation: Cass. Com., 19 jui. 2019, pourvoi n°17-25822

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Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Formation : Chambre commerciale
Date de la décision : 19/06/2019
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17-25822
Numéro NOR : JURITEXT000038708854 ?
Numéro d'affaire : 17-25822
Numéro de décision : 41900585
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2019-06-19;17.25822 ?
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